Je suis méga borderline mais encore à l’heure pour vous dire que je participe au concours de photo culinaire organisé par Isabelle de L’Oreille Culinaire, Dorian et Pascale.
Après tant de suspense, je vais enfin vous révéler pourquoi j’ai choisi le ghraybeh comme gâteau d’enfance. Loin de moi l’idée de vouloir faire pleurer dans les chaumières, mais bon je me lance quand même… je vous aurais prévenu !
Previously on My life…
Je devais avoir 7 ou 8 ans, pas plus. Ma mère venait encore me chercher à l’école à cet âge-là. Oui, une mère Syrienne, c’est très protecteur, et puis à cet âge-là, on est encore un enfant.
Je sortais toujours de l’école accompagnée de ma meilleure amie et d’autres copines. Puis, avec ma mère, on rentrait à pied jusqu’à la maison en raccompagnant mes amies par la même occasion.
À 16h30, c’est l’heure du goûter. J’ai toujours eu faim à 16h30 (et encore aujourd’hui). Ma mère le savait sûrement et c’est pourquoi cet après-midi-là, elle était venue à la sortie de l’école avec une belle boîte de ghraybehs frais. Ces mêmes ghraybehs que j’avalais goulûment à la maison et dont le sucre glace me tartinait la face, et les doigts, et le pull (nous étions des enfants libres).
Mais, en France, pour des gamines de 8 ans, un ghraybeh, c’est pas vraiment ce qu’on attends de l’heure du goûter. Ma mère, avec toute sa bonne volonté de maman, me disais :
« regarde, rabibi*, je t’ai apporté tes pâtisseries préférées : des ghraybehs (prononcez-le d’une voix gutturale, avec l’accent arabe) et moi je savais, JE SAVAIS, que mes copines allaient me sortir quelque chose du genre « ahhh, mais c’est quoi ce truc ? Ah mais c’est bizarre, c’est tout blanc… Non, on n’en veut pas. Non, on n’aime pas ça (T’AS JAMAIS GOÛTÉ P***!!!)… Ils sont où les pains au chocolats ? »
Et ça n’a pas loupé… évidemment.
À l’âge où l’on n’assume PAS DU TOUT sa différence culturelle, ses origines… de quel pays déjà ? L’Arménie, où ? Le Liban, hein ? La Syrie ? Non, vraiment je ne vois pas…
À cet âge où on veut justement se fondre dans la masse, NE PAS ÊTRE LA FILLE QUI MANGE DES GÂTEAUX BIZARRES… Et bien, c’est à ce moment-là que la maman téméraire choisie d’apporter à la sortie de l’école une boîte pleine de ghraybehs.
J’avais honte, honte de moi, honte de ma mère qui avait insisté pour proposer des ghraybehs à mes copines (oui, elle est polie) et encore plus insisté auprès de moi, en me demandant d’un air blessé : « bah, tu n’aimes plus ça ? ».
Aujourd’hui cette anecdote me fait beaucoup sourire. Mais en y repensant et en la racontant, j’ai toujours un petit pincement au cœur. Après cet épisode, ne croyez pas que j’ai fui les ghraybehs… Non, non, je suis bien trop gourmande. En rentrant à la maison cette fois-là, j’ai même fini par me jeter sur la boîte en lâchant un : « bon puisque tu insistes tellllllement » à ma mère (ô enfant martyr !). Mais, là, dans l’intimité du nid familial, on ne me jugeait pas.
J’ai grandi et biensûr tout ça a changé. Ce n’est plus la honte d’être différente que je ressens, mais bien le contraire. Loin d’être une patriote, je suis fière de ces origines et de ces différences culturelles qui font de nous tous qui l’on est. Qui font ce que je suis devenue. Qui font qu’aujourd’hui, sur mon blog- qui au passage manque cruellement de recettes sucrées; alors que- je suis une fille super sweet (ça fait cul-cul de le dire comme ça, j’en suis consciente mais que voulez-vous, c’est mon côté Libanaise-eau-de-rose), je poste ces souvenirs, et cette recette issue d’une tradition séculaire. Je tiens la recette de ma mère, qui elle-même la tient de sa mère, qui elle-même… Bref, vous connaissez l’histoire. Ce n’est pas nouveau, mais j’ai envie d’apprendre à cuisiner ces plats du soleil : le taboulé, le babaganoush, les kebés, les baklavas, les maamouls et tant d’autres. Je veux continuer à faire vivre ces recettes- si précieuses. Et un jour, moi aussi, j’irais faire chier ma fille à la sortie de l’école en lui ramenant une boîte de ghraybehs… dans laquelle j’aurais pris soin de glisser un pain au chocolat.**
* Ma chérie
** Tribute to my mom and all the moms ! Ladies, you are the best !
Recette des ghraybehs de ma maman
(attention : secret de famille !)
INGRÉDIENTS
– 250 g (1 1/8 tasse) de beurre (clarifié*, voir notes)
– 180 g (¾ de tasse) de sucre glace
– 500 g (4 tasses) de farine
– 1 pincée de sel
– ¼ c.c. (c. à thé) d’extrait de vanille pur (ou de sucre vanillé)
– ½ c.c. (c. à thé) de baking powder ** (ou levure chimique en V.F. / poudre à pâte)
– Quelques pistaches pour décorer
DO IT YOURSELF
À l’aide d’un batteur électrique (oui, il faut un batteur électrique… ou un Musclor) mélanger le beurre mou (ne pas le faire fondre à la casserole dit ma maman mais en utiliser du bien mou) et le sucre jusqu’à ce que le mélange blanchisse et soit homogène.
Ajoutez la vanille, la levure et une pincée de sel.
Ajoutez petit à petit la farine et continuer à battre énergiquement.
N’ayez pas peur de découvrir sous vos yeux le mélange le plus gras et « imbattable » qui soit.*** Vous devez obtenir une pâte lisse et compacte (vu tout le beurre qu’il y a dedans, rien d’étonnant !)
Mettre la pâte à reposer au frigo environ une demi-heure, elle sera plus facile à travailler ensuite.
Préchauffez le four à environ 330°F ou 170°C.
Sortir le mélange du frais et formez avec la pâte de petites boules. À partir de là, plusieurs chemins s’offrent à vous pour créer la forme du ghraybeh de vos rêves : on peut faire des
« palets » (comme ceux de mon enfance, c’est les plus faciles à faire), des « petits dômes », ou les très difficiles « anneaux » (ou « cacas blancs » comme Fred les as surnommé)
Disposer les biscuits sur un plateau recouvert de papier sulfurisé et légèrement fariné.
Cuire 10 à 15 minutes (j’ai choisi 12 minutes, en gardant toujours un œil collé à mon four)
Alors là, j’ai lu des atrocités quant au temps de cuisson sur le net : genre à 450°F pendant 40 minutes !! Ils sont fous ! Non, croyez ma mère plutôt : 170°C pendant 12 minutes, c’est bien. Les ghraybehs doivent rester blancs dessus et très légèrement dorés en dessous. Oui, vous aurez l’impression que ce n’est pas cuit. Mais c’est comme ça. Oui, quand vous les sortirez du four, ils vous paraîtront mous et encore moins cuits. Mais c’est comme ça.
Il ne faut pas les toucher et les laisser refroidir (quelques heures à une nuit- pour les moins gourmandes), ainsi ils durciront juste ce qu’il faut.
Le lendemain, saupoudrer de sucre glace et décorer avec des pistaches.***
NOTES :
* Alors, la fameuse histoire avec le beurre clarifié. J’ai lu à plusieurs reprises qu’il était IMPÉRATIF d’utiliser du beurre clarifié froid pour réussir des ghraybehs crousti-moelleux. Des ghraybehs qui se réduisent en fine poussière dans ta bouche quand tu croques dedans. Car c’est bien là la particularité du ghraybeh : ça se désintègre dans ta bouche. (on dit
« friable » en langage d’adulte.)
Bref, du beurre clarifié (ou ghee– ingrédient qu’on retrouve beaucoup dans la cuisine Indienne), moi je n’en avais pas. J’étais quand même décidée à en trouver mais ma mère- avec sa désinvolture de cuisinière affranchie qui ne rate jamais un plat- m’a persuadé d’un
« Pouarf ! Non, moi j’m’embête pas, j’utilise seulement du beurre bien mou que je ne fais jamais fondre à la casserole » d’y renoncer. La prochaine fois, je testerai avec… mais en gros, retenez que vous pouvez trouver du beurre clarifié dans les épiceries Indiennes. Et sinon, deux techniques sont connues pour le remplacer :
1- Faire fondre du beurre à feu très très doux jusqu’à faire disparaître le petit lait. Gros challenge : ne pas faire brûler, attendre, et laisser refroidir.
2- Mélanger à moitié beurre fondu tiède et huile de tournesol. Je suis moins convaincue de cette option-là pour la préparation des ghraybehs, car comme vous vous en êtes rendus compte, c’est très touchy comme préparation. Mais bon, je vous laisse libre arbitre, hein, je ne veux forcer personne.
** Ah ouais, ma mère connaît étrangement un mot en anglais : « Puis, rabibi, après tu prends du baking powda’… ». La faute aux packaging importés, je pense. :-)
*** D’où l’utilisation d’un batteur électrique.
**** Au choix, moi le ghraybeh de mon enfance était nu et saupoudré de sucre glace mais sur les ghraybehs « en anneaux » ou en « dôme », on peut décorer la pâte d’une pistache qu’on enfouit un peu dans la pâte avant la cuisson.