Je crois que j’aime les rituels. Ceux qui vont et reviennent chaque année, ceux qui restent. Des rituels séculaires comme la préparation de maamouls, ces sablés Libanais dont je vais vous parler aujourd’hui, aux rituels les plus futiles, les plus anodins, mais qui font le sel de la vie; comme ramener chaque année aux copines quelques maamouls sauvés des fêtes de Pâques chez ma grand-mère. “Oui, tu auras ta part, ne t’inquiète pas”, “Biensûr des maamouls aux pistaches en priorité, je n’oublie pas !”
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Le maamoul est à Pâques ce que le Sleeha est à la Sainte-Barbara.
Il se compose d’une fine pâte sablée de semoule aromatisée à la fleur d’oranger ou à l’eau de rose fourrée d’un mélange sucré de pistaches, noix ou dattes. On reconnait la saveur d’un maamoul par sa forme et les motifs qui ornent la pâte.
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Des saveurs délicates. Des motifs. Des moules en bois gravés. Je suis folle de ce truc.
De gauche à droite : moule à maamouls pistache, dattes, et noix.
Il y a un an, j’achetais* -avec une joie non dissimulée- les moules qui me permettraient de réaliser ces délicieuses pâtisseries. Je demandais la recette à ma mère (une grande aventure, comme toujours), et je me préparais à retourner en France pour des vacances et éventuellement assister à un cours particulier de fabrication de maamouls avec le commander-in-chief-du-maamoul : ma grand-mère.
Malheureusement, et comme toujours bis, je n’ai le temps de rien** (ou pas grand chose, dirons-nous) quand je retourne en France, alors je n’ai ni cuisiné de maamouls, ni utilisé ces beaux moules qui sont restés toute une année enveloppés dans du papier au fond du tiroir de mon -défunt- four.
En écrivant ces lignes, je réalise donc que ça fait un an que je ne suis pas rentrée en France. Un an, c’est long quand même. Je recommence à avoir cette vision idéaliste et édulcorée de Paris faite de souvenirs qui s’étiolent : à savoir le Paris où Resnais rencontre Godard rencontre Cherry Blossom Girl. Le Paris des films quoi, avec du soleil et des gens heureux partout. Il me faut définitivement un petit tour de ligne 13 moite et surpeuplée pour remettre de l’ordre dans tout ça !
Dans les films que je me fais, il y aussi le printemps qui revient. Omniprésent. De la chaleur. Des rayons de soleil. Là j’ai envie de mettre un gros mot dans le texte, mais je vais m’abstenir. Alors pour contrer tout ce gris, cette grêle (maismerdeuuh de la grêle, quoi !), ces gros nuages cotonneux, j’ai décidé que ça allait être le printemps chez moi. Avec des fleurs. Des couleurs douces, toutes roses, enveloppantes, à l’image de cette maamoul Libanaise. On va faire comme si, vous êtes d’accord ?
Et pour revenir à nos moutons Libanais… et si d’aventure vous vous lancez dans la préparation des maamouls, je vous recommande fortement d’inviter une ou deux amies à se joindre à vous pour vous aider (je vais le rajouter dans la liste d’ingrédients, tiens), et perpétuer la tradition de ces femmes Méditerranéennes, qui, installées confortablement sur un balcon en Italie, au Portugal ou au Liban préparent les délices quotidiens en bavardant, chantant ou le plus souvent- racontant des ragots. (oui, oui) (au fait, t’as vu comment elle a grossi, Trucmuche ?)
Enfin, pour faire honneur aux braves qui ont retroussé leurs manches cette fin de semaine afin d’avoir un beau billet rempli de maamouls prêt pour Pâques, je tenais à vous montrer cette photo de groupe : plus de 80 maamouls ont été réalisés ! (une trentaine seulement sur la photo… les petites mains ont été payées en maamouls et mon ventre a également reçu une importante contribution !)
Je vous laisse avec la recette détaillée plus bas, que j’ai essayé d’illustrer au mieux en images et en mots. Les plus attentifs (ceux qui lisent les recettes !) remarqueront l’utilisation très personnelle (et familiale, je pense) d’un textile peu commun en cuisine. À bientôt !
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* J’ai trouvé et acheté mes moules à maamouls (chez Adonis, à Montréal pour quelques pièces !
** Les gros repas familiaux et les verres en terrasse avec les potes, ça compte pas ! ;)
Recette des maamouls Libanais
Pour une quarantaine de petits maamouls
INGRÉDIENTS
Pour la pâte :
– 500 g (2 1/2 tasses) de semoule de blé très fine (ou un mélange de semoule moyenne ou même farine + semoule très fine -à quantité égale)
– 200 g (1 tasse) de beurre, fondu
– 180 ml (3/4 tasse) d’eau de fleur d’oranger (ou d’eau de rose ou un mélange des deux)
Pour la garniture :
– À la pistache : 100 g (1 tasse env.) de pistaches mondées et moulues grossièrement + 2 c.c. de cannelle moulue + 100 g (1/2 tasse) de sucre * (voir notes)
– Aux noix : 100 g (1 tasse env.) de noix sans cerneaux et moulues grossièrement + 2 c.c. de cannelle moulue + 100 g (1/2 tasse) de sucre
– Aux dattes : 100 g (3/4 de tasse env.) de dattes Medjool bien charnues dénoyautées + 2 c.c. de cannelle moulue
– Sucre glace (sucre à glacer), pour la décoration
Pour le bon déroulement de la préparation :
– Une ou deux amies de préférence très bavardes et motivées ayant toute l’après-midi devant elles !
DO IT YOURSELF
1) Commencer par préparer la pâte au moins 5 h à l’avance (voire la veille) en mélangeant la semoule de blé, le beurre fondu et l’eau de fleur d’oranger (ou de rose ou un mélange des deux). Il faut que la texture de la pâte soit homogène et non-collante.
2) Laisser reposer à température ambiante en recouvrant la pâte d’un linge propre. En préparant ainsi la pâte à l’avance, elle est plus malléable, facile à travailler, subtilement imprégnée de beurre (miam le gras !) et parfumée.
3) Après 5h (ou une nuit), pétrir un peu la pâte en fraisant des deux mains (un peu comme une pâte à tarte)… Si elle est sèche, on peut rajouter 1 ou 2 cuillères à soupe d’eau de fleur d’oranger ou d’eau. Elle ne doit pas coller au doigts. Laisser reposer le temps de préparer les garnitures.
4) Mélanger les pistaches avec le sucre et la cannelle. Le mélange ne doit pas être trop fin : on doit sentir des petits morceaux en croquant dans le maamoul. Pour obtenir une consistance moins poudreuse, voir les notes en bas de la recette.
5) Répéter l’opération pour la garniture au noix et écraser les dattes à la fourchette ou au robot culinaire avec la cannelle pour former une pâte collante. Attention : ne pas ajouter de sucre avec les dattes (déjà bien sucrées !)
6) Préparer le maamoul en 10 étapes faciles :
(ou Le Petit Maamoul Illustré :D)
#1 Façonner une petite boule de la grosseur d’une noix.
#2 Aplatir la boule dans la paume de la main à l’aide du pouce de l’autre main et des autres doigts éventuellement !
#3 Une fois la pâte étalée uniformément (4 mm millimètres d’épaisseur environ), farcir avec 1/2 c.c. (c. à thé) de garniture.
#4 Refermer la pâte en collant les extrémités.
#5 et 6 Presser légèrement dans la paume pour bien refermer.
#7, 8, 9 Former une boulette en faisant rouler la pâte entre les deux paumes.
#10 Mettre la boulette dans un moule recouvert d’une fine mousseline ou *attention secret de famille* *drumroll* d’un bas nylon (neuf et propre bien sûr- que vous aurez couper en deux pour avoir seulement une épaisseur) et presser légèrement pour que le motif s’imprime.
7) Retourner le moule d’un coup sec sur une plaque recouverte de papier sulfurisé pour décoller le maamoul. La mousseline (ou le bas !) permet au maamoul de se décoller bien plus facilement que sans- croyez-moi !
8) Cuire les maamouls dans un un four préchauffé à 200°C (400°F) pendant 20 minutes : les maamouls doivent rester blanc sur le dessus et à peine dorés en dessous !
9) Laisser refroidir complètement et saupoudrer de sucre glace. Les maamouls se conservent jusqu’à 3 semaines dans une boîte métallique.
Notes sur la recette :
* On peut remplacer le sucre par du miel pour une consistance plus sirupeuse et une garniture moins poudreuse… selon les goûts.
On peut aussi faire un sirop simple épais en chauffant quelques minutes le sucre avec un peu d’eau et mixer le tout avec les noix ou les pistaches. Le sirop ou miel ont l’avantage de rendre la mise en forme du maamoul plus facile car la garniture adhère davantage à la pâte.
– Certaines recettes se passent d’eau de fleur d’oranger ou d’eau de rose, mais je trouve qu’elle parfume juste ce qu’il faut la pâte (j’ai une préférence pour la fleur d’oranger !)
– Si les moules en bois sont utilisés traditionnellement, on en trouve aussi en plastiques (mais ils sont moins beaux) et j’ai même vu des maamouls en forme de boule sans motifs (aussi bons mais moins beaux encore une fois !)